Inventer son instrumentarium, aux prémices de la création

EXPOSITION DES ÉLÈVES DE 6ÈME DU COLLÈGE ANNA MARLY ET DU PLASTICIEN HENRI-PIERRE DEROUX.

dans le cadre de la troisième année de jumelage de l’ensemble Sillages avec le collège Anna Marly, placée sous le signe de la création, et pilotée par le compositeur en résidence Jonathan Bell.

Tout le mois de décembre 2021 jusqu’à la mi-janvier de l’année suivante, le collège Anna Marly accueille entre ses murs une exposition conjointe des travaux de ses élèves de 6ème, – invités par leurs professeurs Liouba Wasiutek (Musique) et Manuel Cortella (Arts Plastiques) à inventer leur propre instrument, à le dessiner puis à en réaliser une maquette – ; aux sculptures et installations sonores du plasticien Henri-Pierre Deroux.

Ce dernier a également encadré les élèves et les a aidé à réaliser des instruments véritablement sonores, pensés et construits à partir de matériaux de récupération.

De haut en bas et de gauche à droite : Grognon à pédale – Vadrouille – Charlotte, « violon gruyère » – Banc cloches – Chemin chantant, lithophones – Parabole Basse

Henri-Pierre Deroux poursuit ce projet d’invention d’instruments depuis de nombreuses années déjà.
Sa ligne directrice est celle de « jouer avec le bruit du monde » (senin gant rouz ar bed) :

« Faire œuvre, était d’abord s’introduire dans le monde, par une activité créatrice quelle qu’elle soit.
Faire, être là où l’ouvrage se fabrique, être avec et concevoir l’autre dans le processus de création, est avant tout un geste d’appartenance au monde. Il n’a jamais été question de « savoir-faire » ou d’une quelconque particularité exceptionnelle performative. La question est de produire une œuvre que chacun pourra reconnaître comme objet commun ou d’usage commun, et diriger la perception vers un univers particulier lié à cette idée de participation commune.

Si on observe une rue, nous la percevons dans un brouhaha permanent, les sons se déplacent, nous échappent, d’autres apparaissent notre propre déplacement redessine cet univers sonore.
Il y a donc une succession infinie de définition de notre espace, un dessin en perpétuelle évolution.
Les choses paraissent volatiles et elles le sont sans doute.
Maintenant, si nous devions décrire cet espace perçu, chacun de nous aurait une description bien différente.
Si par-dessus nous confrontions un enregistrement du même instant, nous nous apercevrions que nos univers personnels sont bien loin des réalités.
Nous dessinons donc un espace de perception.
Si un événement fort devait perturber notre écoute nous serions alors confronté à une compréhension limitée, exclusive, simple.

C’est en observant les manifestations politiques dans les rues que l’utilisation du son m’est apparue intéressante pour proposer une lecture propre en espace de «monstration».
La diffusion d’un son important, particulier, ou unique, propose une orientation de la lecture d’un lieu.
Son impact donne aussi une matière par résonance et une texture, ces termes sont déjà ceux de la sculpture ou de la peinture. L’univers du son a donc toute sa place dans la pratique du plasticien. »

Henri-Pierre Deroux propose alors deux possibilités d’entendre le monde :

« -Écouter et appréhender le monde par ce qu’il nous propose, partage, ou nous fait subir.
-Participer et créer sur la musique du monde grâce à des propositions instrumentales. Le lien social est dans les actions communes et chaque voix ou toute action définit notre rôle.

Parfois simplement par accident, le son nous donne à voir une tierse proposition du monde. C’est cette compréhension fragile, non répertoriée dans nos habitudes, cette grande liberté qui modèle mon
principal terrain de jeu. »

Croquis préparatoires à la scénographie de l’exposition « Inventer son instrumentarium » dans l’enceinte du collège Anna Marly de Brest.

Henri-Pierre Deroux propose aux élèves d’engager une démarche similaire à la sienne, et les guide dans ce projet de lutherie-bricolage pour réaliser leurs instruments :

Interview d’Henri-Pierre Deroux – Charlotte © Henri-Pierre Deroux
réalisation : Marie Bouchier

Une fois l’exposition passée, Henri-Pierre Deroux reviendra au collège Anna Marly en compagnie du compositeur en résidence Jonathan Bell. Un ou deux instruments inventés par les élèves seront choisis pour leurs possibilités sonores et construits en kit par Henri-Pierre Deroux en nombre. Ils seront ensuite distribué à chaque élève d’une classe qui s’en servira comme d’un instrumentarium donné pour inventer une création musicale.

Jonathan Bell, depuis Marseille, nous transmet quelques intentions sur le processus de création qu’il propose d’engager avec les élèves de sixième :

De haut en bas et de gauche à droite : Fleur – Grand Aléatoire-cycle – Charlotte – grand piano Grince-porte « grand Pont »- Grand Grogno-monocorde

Tout est presque prêt : l’ensemble Sillages et le collège Anna Marly sont impatients de pouvoir ouvrir le jus d’orange pour fêter le vernissage… En attendant, voici une sélection en sons des instruments inventés par les 6ème que les élèves du collège vont pouvoir découvrir !